
Beaucoup en témoignent : même si ça n’est pas notre intention, il est fréquent que nos organisations, quelles qu’elles soient, finissent par épuiser à la fois leurs salarié·es mais aussi leurs bénévoles. Parfois même elles peuvent devenir toxiques et il est alors urgent pour nous de nous mettre en retrait voire de nous en extraire carrément ! Mais plutôt que de reléguer aux personnes la responsabilité de leur épuisement (à ce sujet, lire cet article qui évoque le risque de faire de l’épuisement une simple question individuelle), nous pourrions au contraire faire de ce sujet une problématique collective. Par exemple en essayant d’aligner les valeurs que nous affichons avec la réalité de nos organisations, pas toujours vertueuses en dépit de ce qu’on pourrait croire. Ou encore, de façon très pragmatique, anticiper l’épuisement pour cesser de perdre constamment des personnes précieuses pour nos groupes ; ce qui en plus d’être humainement difficile, nous oblige à repenser dans l’urgence nos fonctionnements. Bref, l’inverse de ce que nous voulons…
Stress, hiérarchie et répression, un exemple tiré d’un collectif militant :
F. est une militante passionnée et très investie dans la lutte portée par son collectif dédié au changement social. À l’origine de la création du collectif, F. en connaît l’histoire, les valeurs et le fonctionnement sur le bout des doigts. Elle y multiplie d’ailleurs les rôles (animation des réunions, organisation des rassemblements, négociations avec les institutions…) avec le lot de stress et de fatigue que cela comporte. F. se retrouve ainsi fortement exposée à l’épuisement et elle a déjà connu un premier burn-out il y a quelques années. Burn-out qui en plus de l’avoir profondément malmenée, a bien failli mettre en péril la suite du collectif car très peu de personnes étaient alors en mesure d’accomplir les tâches à sa place pendant sa convalescence. Depuis son retour elle essaie de prendre du recul, mais les sollicitations affluent et son statut crée des tensions dans la structure : en pratique F. a énormément de pouvoir et parfois du mal à déléguer (car cela lui prend parfois plus de temps d’expliquer la tâche à accomplir à une autre personne que de faire cette tâche elle-même). Des tensions naissent donc au sein de l’équipe en raison de cette hiérarchie de fait (qui s’est mise en place sans même que F. elle-même ne la souhaite). Surcharge de travail, urgence à agir, absence de répartition du pouvoir…des membres en viennent à s’éloigner du collectif voire à le quitter. Et de ce fait la charge de travail se répartit alors sur un plus petit nombre de personnes. Autre problème apparu récemment : le collectif a réalisé une action dans l’espace public qui a fortement déplu aux autorités. En tant que représentante emblématique, F. s’est retrouvée convoquée en audition libre puis placée en garde à vue avec poursuites à la clé. Autant de circonstances propres à réactiver le stress et la fatigue à l’origine de son burn-out, mais aussi à fragiliser le collectif (la répression ciblée sur un maillon essentiel du groupe risquant alors de le paralyser).
On le voit dans cet exemple (inspiré du vécu de différents groupes), le chemin pour faire ensemble est semé d’embûches. Et ça serait trop simple de penser que F. est la seule responsable des difficultés traversées par son collectif. L’épuisement, les tensions, les conflits… ne sont ni une fatalité ni la seule et unique issue d’un travail ou d’un engagement quel qu’il soit. Des solutions existent et c’est au groupe dans son ensemble de s’emparer de ces enjeux pour continuer à faire ensemble mais différemment ; car c’est à la fois à l’échelle des personnes mais aussi au sein de nos organisations qu’il faut agir.